Compte rendu de la Visite de la Batterie du Pradeau ou « La Tour Fondue » COLLÈGE DES ARCHITECTES EXPERTS PACA
Jean GEITNER Architecte du patrimoine
Visite de la tour fondue avec l’Architecte du projet de restauration : Jean GEITNER
La Tour Fondue se situe à proximité de l’embarquement des navettes-bateau au départ de l’île de Porquerolles.
Cette tour a fait l’objet de travaux sous la conduite de l’Architecte des Bâtiments de France de l’époque, Monsieur M. Louis FAHRNER (1936-2009)
L’analyse critique faite par Jean GEITNER sur cette précédente restauration est double : si le Fort a été mutilé une première fois et modifié avec l’utilisation du béton à outrance et du métal, en revanche l’ excavation incroyable réalisée a permis aujourd’hui d’y faire rentrer un programme ambitieux.
La première campagne de restauration s’est tenue de 1988 – 89 jusqu’en 1995, date à laquelle le chantier est arrêté faute de crédit.
C’est le Parc National de Port-Cros qui est aujourd’hui le maître d’ouvrage et le corps des ABF ne fait plus de maîtrise d’œuvre. En 2018, un Appel d’Offres est lancé pour la Restauration et Mise en valeur du Fort du Pradeau. C’est le Cabinet GEITNER Architecte du Patrimoine qui est le lauréat d’une équipe composée d’un BET structure, BET Fluides, Economiste et Scénographe-Muséographe.
Ainsi, 20 ans après, Le Maître d’Ouvrage a fait élaborer un programme, afin de restaurer et « faire revivre » la Batterie du Pradeau, un peu trop rigide et anachronique (par exemple avec un ascenseur qui apparaît) et mal adapté à la situation maritime de cette Tour Fondue.
Après une réflexion poussée, le programme a été amélioré et un cheminement a été imaginé avec un jeu de rampes permettant d’accéder à différents niveaux tout en respectant les normes (assez complexe à résoudre) ; l’ascenseur a disparu.
Une attention particulière est portée à la flore, qui est ici endémique, et à la faune, ainsi qu’aux problèmes de l’apport des matériaux exogènes du chantier.
Du fait que le Site Classé exige une protection totale, le planning de chantier s’est trouvé morcelé entre périodes de reproduction, de préservation et de protection (via Natura 2000) des geckos et autres faucons.
Le Projet est sous le contrôle scientifique de la Direction des Affaires Culturelles. Il faut rappeler que ce bâtiment est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
Historiquement, le concept de l’architecte Jean GEITNER a consisté à figer le bâtiment dans son état de 1847, à son apogée de son système défensif, dans un système plutôt dissuasif et de surveillance que de réelle défense.
La tenaille qui se trouve à l’entrée du site date du XIXe siècle, la poudrière voûtée en berceau appareillée de briques est un petit bijou, située au cœur du dispositif militaire ; on peut apercevoir les bâtiments du corps de garde et du logement de troupes.
Le projet a consisté à un travail de « purge » des ouvrages en béton qui ont été démolis pour retrouver les murs du chemin de garde, afin de permettre une reconstruction dans le respect et la transmission des techniques anciennes.
La garnison comprenait une trentaine de personnes avec une trentaine de lits, le corps de garde une dizaine personnes, et le logement comptait une vingtaine de personnes. Il a été inhabité depuis la fin du XIXe et jusqu’au début XXe et a été souvent squatté par la suite.
Il existait une citerne de récupération d’eau de pluie et son système de canalisations, dont subsistent encore une gouttière en terre cuite et quelques éléments disparates encore visibles ; des sondages ont été pratiqués qui ont permis de retrouver les surverses qui avaient été masquées sous le niveau de la dalle béton ; les sanitaires et la cuisine ont disparu.
Le programme consiste à réaliser une grande salle d’exposition au sous-sol qui fait environ 180 m², à plonger le visiteur dans les profondeurs marines au moyen d’un dispositif équipé de quatre écrans qui feront office de hublots vitrés donnant sur les fonds marins, en « immersion », et sensibiliser à la préservation du littoral.
L’architecte Jean GEITNER précise qu’il a voulu défendre le volet architectural et patrimonial en mettant en exergue la maquette du projet que l’on devrait pouvoir retrouver sur un socle en béton au niveau du belvédère.
Il y a eu, au préalable, un travail de collecte de données, de recherches et d’investigation qui a été particulièrement enrichissant. Le groupement solidaire composant l’équipe de la maîtrise d’œuvre a regroupé Jean GEITNER, Architecte du Patrimoine, Les Crayons Scénographe-muséographe, le B.E.T. structures et le B.E.T.fluides. Le PRO-DCE. de la muséographie a été légèrement décalé par rapport à celui de la structure et de l’architecture.
À toutes les questions de financement il est bien noté que le montant des travaux est d’environ 2 millions d’euros indiqués sur le panneau de chantier ainsi que tous les partenaires.
Le maître d’ouvrage est représenté par Madame Bonamy du Parc National de Port-Cros.
Après ces propos introductifs nous procédons à la visite par l’entrée et la fameuse tenaille une sorte de chicane avec la meurtrière, ensuite vient l’emplacement du pont-levis. On voit que la plupart des murs qui ont été enduits avec de la chaux sont constitués de pierre de schiste basaltique.
Nous entrons dans le hall d’accueil où l’on trouvera également un système de filtre d’entrée puisque la volonté du maître d’ouvrage est de vouloir frapper l’entrée (compter le nombre de visiteurs).
La charpente est en bois lamellé-collé.
La couverture des bâtiments au-dessus des pannes est faite par volige en bois puis du Flexo-tuiles et des tuiles courant et de couvert traditionnelles.
L’isolation se fera par de la laine de chanvre entre pannes qui seront cachées par le rampant.
Sur les murs une projection, mélange de chanvre et chaux.
Le chauffage sera produit par PAC air/air et tous ces éléments techniques seront masqués par une grille à ventelles dans un petit volume derrière le hall de l’entrée.
Une grande poutre lamellée-collée d’une portée d’environ 8 m qui servira, en poutre retroussée, à recevoir la mezzanine et servant de faux plafond à l’accueil. Cet espace servira de salle de repos.
Les poutres bois sont encastrées dans la maçonnerie par empochements avec un écran en papier goudronné.
La visite se poursuit ensuite dans la poudrière, sorte de grande salle voûtée en briques, dont on remarquera la grande épaisseur des murs et à l’entrée, des vestiges d’un assemblage de briques en forme de baïonnette pour créer de la ventilation sans pour autant qu’il y risque une mise à feu intempestive depuis l’extérieur.
En traversant cette poudrière nous arrivons sur la toiture de la grande salle d’exposition qui constitue le belvédère.
L’architecte Jean GEITNER explique aussi comment il s’est « battu » avec la DRAC qui voulait un sol en pierre plutôt qu’un revêtement rappelant le pont des bateaux, et donc plutôt en bois. Il lui a été opposé que le recul des canons se faisait forcément sur un sol en pierre. Finalement les concepteurs sont allés faire une recherche historique et ont trouvé que le sol était, certes, en pierre, mais qu’il était recouvert de rondins en bois pour « assainir le sol » et protéger les soldats morts et permettre aux canons de reculer. De plus, un dallage béton n’aurait pas permis la dilatation ; c’est donc finalement la solution bois avec une étanchéité en sous face qui a été retenue, pourvu que cela ne rappelle pas « une terrasse de restaurant ». Le choix s’est donc porté sur l’essence de mélèzes du département 05, en provenance directe de la scierie, des madriers très épais et selon un calepinage qui s’inspire de ces rondins en bois. Quelque chose de très massif a été recherché avec une volonté de matériau durable et pérenne.
Le chemin de garde en guise de garde corps qui se situe sur des murs d’environ 3 m d’épaisseur qu’il a fallu percer à deux reprises avec un diamètre de 300 mm pour recréer des évacuations d’eaux pluviales, puisque les percements existants et leur nouvelle altimétrie ne permettaient pas de remplir à nouveau cette fonction.
La scénographie est prévue d’être livrée en Juin 2022, mais, en cas de décalage, la livraison se fera à la première des Journées du Patrimoine, en septembre suivant.
Attenant à la grande salle d’exposition une petite courette extérieure avec un (futur) escalier à vis qui sert de zone refuge PMR et de sortie de secours.
Dans la grande salle d’exposition on trouvera les alcôves qui accueilleront les thèmes de la muséographie avec des activités pour les jeunes et des tables d’activité pédagogique.
Remarque sur le sol qui est protégé avec des cartons durant le chantier : c’est un dallage gris et noir dans la salle d’immersion avec des pigments de quartz.
Le plancher haut de cette grande salle est en poutrelles-hourdis supportés par des profilés métalliques existants.
Ce sont en fait des HEB au nombre de 3, de 450 mm de haut qui ont été entièrement restaurés et dont l’épaisseur a été regarnie de chaque côté par du béton coulé et renforcé avec des épingles soudées.
L’architecte Jean GEITNER précise que cet ensemble partiellement existant et inachevé a été totalement démoli suite aux résultats des tests d’analyse des bétons qui ont révélé une forte présence de nitrates et chlorures (bureau CEBTP Ginger).
Il a été décidé de conserver ces profilés métalliques, dont la manutention était difficile, de les traiter, de les repeindre et de recouler dans leur épaisseur avec du béton, seule l’âme inférieure est visible. La hauteur sous plafond finie sera de 2,50 m. Dans ce même esprit de réemploi, le produit de la démolition des bétons a permis de confectionner le « hérissonage ».
La visite se termine dans le bungalow de chantier : l’architecte Jean GEITNER nous présente son dossier constitué des planches graphiques et du mémoire d’analyse patrimoniale, le travail complémentaire du scénographe-muséographe regroupé dans un cahier d’avant-projet détaillé, on y trouve tous les détails du mobilier, les quatre écrans des fonds marins, la signalétique, etc.
N’oublions pas aussi de remercier les Chaux de Saint Astier pour avoir équipé et documenté les participants.
Merci à l’Architecte Jean GEITNER qui a réussi, à travers cette visite, à nous faire revivre cette batterie avec enthousiasme et passion.
Raphaël Soucaret